24 mars 2013

La pluie avant qu'elle tombe



Un livre aussi fort et délicat que son titre!

Il s'agit d'une collection de souvenirs qui jaillissent de la bouche de Rosamond, une vielle dame en train de mourir et qui enregistre sur des cassettes l'histoire de sa vie et de sa famille pour la transmettre. Elle tourne les pages des albums photo et décrit pas à pas l'histoire des femmes qu'elle a cotoyées, des mères, des filles, des amantes, et leurs mystérieuses relations.

On est au cœur de l'intime. C'est très émouvant, juste, sincère.

Le rythme des photo fonctionne bien pour nous plonger dans des tableaux, des scènes d'hier, et qui laissent percer, donnent à voir ou cachent le vécu des uns et des autres. On retrouve des moments forts de l'histoire britannique, mais aussi les petits moments clé d'une vie, les rencontres, les ruptures, les deuils.

Un roman fait pour la rubrique AU FEMININ de ce blog, tant il interroge les relations mères-filles avec sagacité.

Tous les sentiments sont là, la déception, la peur, la colère, la compassion. L'auteur arrive à glisser d'un registre à l'autre, au fur et à mesure des instants saisis sur le vif, en noir et blanc puis en couleur.

C'est un beau regard sur une vie, avec tout ce qu'elle peut avoir de grave, de sourd, de méchant et de léger et doux. C'est une interrogation sur l'existence et ses mystères. Pourquoi vit-on ce que l'on vit? Par destin? Par coïncidence? Y-a-t-il un sens à tout cela? Quelle logique derrière nos actes?

"Catharine saisit la télécommande, monta le son, et la première chose qu’elles entendirent, au bout de quelques secondes, fut un souffle de bande, suivi des claquements et crachotements d’un micro qu’on allumait et qu’on réglait, et du grattement du pied de micro en plastique sur une surface dure. Puis il y eut une toux, un raclement de gorge ; et enfin une voix, la voix qu’elles comptaient entendre, ce qui ne la rendait pas moins fantomatique. C’était la voix de Rosamond, seule dans le salon de son bungalow du Shropshire, qui parlait dans le micro quelques jours à peine avant sa mort"

Toutes les familles ont leur secret; Toutes les familles ont leurs albums; Toutes les familles ont leurs répétitions, leurs ruptures. Un roman qui a le don de capter dans les nuances de ton, et les cadrages ratés des clichés pris trop rapidement les non-dits et les révélations puissantes qui font ce que l'on est.

Un livre à lire absolumment.




12 mars 2013

Mélodramatique



Le message d'Andrée Chedid, un roman écrit comme au ralenti.

Nous sommes sûrement au Liban, en tout cas dans un pays que la guerre met à feu et à sang. Une jeune femme, Marie, tente de rejoindre un de ses ex, son amoureux de toujours, pour lui dire qu'elle accepte de faire sa vie avec lui, mais voilà, il habite de l'autre côté de la ville, et entre eux il y a les ruines, les snipers, les cris, les blessés, la foule...

Tout est exacerbé par la peur, la tension, la chaleur.

Des mots bien choisis, et un texte émouvant du début à la fin, avec un style que l'on garde à l'oreille et au cœur.

"Marie ne bouge presque plus. Marie respire à peine.
Pour lui parler, il faut utiliser peu de mots: des mots simples, des mots essentiels, qui vont du coeur au coeur. Des mots qui se glissent petit à petit avec leurs consonnes, leurs voyelles, dans le corps et la pensée de Marie. Des mots qui deviendront la matière de ce corps, le ferment de cette pensée, des mots à lents parcours qui traverseront le conduit auditif, atteindront le tympan, percuteront les osselets, ensuite le rocher; des mots qui se frayeront lentement un passage dans le labyrinthe de l'oreille. Des mots aimés, des mots aimants, ressentis, agrippés à l'espérance. Des mots vrais, même s'ils mentent. Des mots forgés d'amour et de promesse, même s'ils simulent. Des mots réels et fictifs. Des mots pour vivre et pour rêver."

Un livre pour ceux qui aiment la poésie, même au milieu des massacres, des guerres et des suplices.

Un roman pour ceux qui aiment le romanesque, l'amour à tout prix, le jeu du hasard et du destin.

Une écrivaine à découvrir et à redécouvrir.

Évitez de lire la quatrième de couverture, pour garder le mystère de la lecture.

03 mars 2013

Crayons de couleur du soleil dans les yeux

Une petite bande dessinée du dimanche: Dans mes yeux de Bastien Vives.

Sous ses joyeux traits de crayons de couleurs, Vives nous emmène en caméra embarquée à la rencontre d'une jolie fille, dans une bibliothèque.  Une étudiante en philo.

Elle est attachante, méditative, toute mimi quoi!

Tout est dit, dans ses attitudes, ses postures, ses mimiques... sous les crayons de Vives. Il capte le simple, le spontané, l'intuitif!

Ils finissent par se parler, et hop nous voilà embarqués avec eux dans leur aventure!

Une B.D. très touchante, juste, intime. Bastien Vives a le don de faire d'histoires simples des petits bijoux à accrocher à ses yeux et à ses lèvres.

Ce qui marche bien, étonnement, c'est qu'on n'a qu'un bout du film, celui qu'il voit, qu'il observe, les mots qu'il entend... Mais on n'a rien de son discours à lui, sauf à travers son style de dessin, ce qu'il capte des instants qui passent à deux. On n'entend pas les réponses qu'il lui fait. On les devine juste dans les yeux du narrateur dessinateur.

Les couleurs sont vives, vivantes. Les coups de crayons sont appuyés, dynamiques, animés.

C'est un livre doux et sucré,

Un exercice de style réussi!

A découvrir absolument!

Ca donne envie de sortir ses crayons.

Ca donne envie d'aller à la rencontre de l'autre, dans le mystère de ce qu'il donne à voir... ou pas!

Une bulle de légèreté! Avec des baisers comme jamais vous ne les avez vus!







02 mars 2013

Le mystère des vagues



Il y a les corps que la mer rend, et ceux qu'elle garde. Il y a les hommes qui parlent et ceux qui se taisent à jamais. Il y  a les jours de tempêtes, et ceux de mer calme.

Dans Les déferlantes de Claudie Gallay, une jeune femme en deuil s'isole à La Hague, pour survivre. Elle observe les oiseaux, leurs nids, leurs migrations, mais très vite aussi les humains qui les entourent et leurs mystères.

La lili qui tient le bar, le Théo ancien gardien du phare, Nan la folle qui erre sur la plage lors des tempêtes, Max le benêt pas si bête, Raphaël l'artiste sculpteur, ...
et Lambert, l'homme de passage... l'homme qui veut comprendre... lever le voile...

Belle écriture où se mêlent le dialogue que la narratrice entretient avec son amour disparu et le flot de ses observations du moment.

"Je n'ai pas insisté.
Je suis allée sur la grève. Un petit oiseau à bec jaune picorait les puces de sable.
L'empreinte solitaire de mes semelles.
Mon ombre dérisoire sur la route."

Les non-dits se multiplient et la narratrice devine les drames, et finit par enquêter avec Lambert pour comprendre. Qui est ce petit Michel dont on cache les photos? Pourquoi les parents de Lambert sont-ils morts en mer il y a trente ans? Une complicité sans nom émerge alors doucement entre deux endeuillés de passage, de phrases courtes en phrases encore plus brèves, de bourrasques de vents en petites pluies fines.

Le suspense s'installe et on se laisse emporter par le courant... dans ce très beau récit, fort et poignant, au croisement des solitudes et des secrets.

Un roman qu'on a envie de conseiller à tous ceux qui aiment la nature, le grand air, les oiseaux, les embruns, et les ciels pas toujours bleus...

Un livre pour tous ceux qui s'interrogent sur le deuil.

Un beau texte plein d'humains attachants et lumineux, terribles et sombres... trop humain?