23 décembre 2012

L'enfant des forêts devenu poète...




C'est l'histoire d'une vie, comme le dit le titre, celle d'Appelfeld. Et quelle vie!

Il est né dans une famille juive des Carpates juste avant la seconde guerre mondiale. La vie s'écoule doucement, avec les paniers de fraises, la douceurs familiale. Puis c'est la rupture, les camps, la peur.

Appelfeld n'aimerait pas qu'on dise qu'il est un écrivain de la Shoah, pourtant son écriture est une tentative de mettre en mot l'indicible, et il réussit avec un immense talent!

Les moments les plus marquants sont ceux où enfant il fuit les camps en se réfugiant dans la forêt. Il se retrouve à vivre comme un petit animal, qui cherche à boire, à manger, contemple la nature aux aguets pour éviter les prédateurs, les humains, et survivre.

Un autre moment très fort est celui qui suit la libération des camps. Les enfants sont la proie des pervers, des impressarios, des meneurs, des commerçants, et j'en passe.

Je ne vous en dis pas plus, tant ce livre est un trésor d'expériences, à la limite de l'humain.

Le ton est épuré, simple, sincère.

"Je vécus deux ans dans les champs, entouré de forêts. Il y a des visions qui se sont gravées dans ma mémoire et beaucoup a été oublié, mais la méfiance est restée inscrite dans mon corps, et aujourd'hui encore je m'arrête tous les quelques pas pour écouter. La parole ne me vient pas facilement, et ce n'est pas étonnant: on ne parlait pas pendant la guerre. Chaque catastrophe semble répéter: qu'y a-t-il à dire? Il n'y a rien à dire. Celui qui a été dans un ghetto, dans un camp ou dans les forêts connait physiquement le silence. Durant la guerre on ne débat pas, on n'insiste pas sur les divergences. La guerre est une serre pour l'attention et le mutisme. La faim, la soif, la peur de la mort, rendent les mots superflus. A vrai dire, ils sont totalement inutiles. Dans le ghetto et dans le camp, seuls les gens devenus fous parlaient, expliquaient, tentaient de convaincre. Les gens sains d'esprit ne parlaient pas.
J'ai rapporté de là-bas la méfiance à l'égard des mots. Une suite fluide de mots éveille ma suspicion. Je préfère le bégaiement, dans lequel j'entends le frottement, la nervosité, l'effort pour affiner les mots de toute scorie, le désir de vous tendre quelque chose qui vient de l'intérieur."

Un texte à mettre dans les mains de ceux qui veulent être porteur de mémoire.

Un texte à recommander pour ceux qui aiment la poésie et les poètes.

Un texte pour comprendre ce que peut vouloir dire avoir été un enfant des camps, qui arrive en Israël orphelin sans avoir été à l'école pour tenter d' écrire sa vie...

Un grand merci à Christine, qui me permet d'ouvrir une nouvelle catégorie: Littérature israélienne!


12 décembre 2012

Et tourne et tourne les pages



Et tourne et tourne les pages... En voilà un livre qui nous tient par le bout du nez, avec un suspense incroyable et des rebondissements en pagaille: La vérité sur l'affaire Harry Québert de Joël Dicker. Merci à toute l'équipe du CSO pour le cadeau!!!

On suit un écrivain en mal d'inspiration qui se retrouve dans une petite ville américaine, face au mystère de la dispariation du jeune fille Nola. Son meilleur ami écrivain aussi semble impliqué. Coupable? Victime?

Tout s'enchaîne l'enquête et la réflexion sur le travail d'écriture.

Je ne peux pas dire que ce soit une langue magnifique, un style hors norme. Non. Mais c'est certainement un livre à recommander pour ceux qui aiment les polars, les textes plein de rebondissement, bref, les romans captivant de la première à la dernière page! On est triste de le refermer, tant on se laisse prendre par les personnages, le contexte, les questionnements, les meurtres et autres mystérieuses lettres de corbeau.

Un roman pour les écrivains en herbe ou en devenir.

Un roman pour les amateurs de suspense.

Un roman pour tous ceux qui veulent s'échapper ailleurs pendant les fêtes, et être emportés par une histoire palpitante!


26 novembre 2012

Drame: de l'intime au collectif



Voici deux bandes dessinées très riches, et à découvrir absolument: David, les femmes et la mort de JudithVanistendael et La nouvelle orléans après le déluge de Josh Neufeld. La première parle du drame intime que peut représenter le cancer dans la phase finale et le deuxième raconte la catastrophe que fut Katrina à la Nouvelle Orléans. Chacune des bulles nous conduit au fond de la crise, quand on est à ce point charnière entre la mort et la vie.



Ce que j'aime dans David, les femmes et la mort, c'est le coup de pinceau, les couleurs, les visages, les envolées oniriques ou cauchemardesques. Ah ces rouges, ces noirs, et ces personnes si touchants! On se prend très vite à l'histoire, celle du malade David, mais celle aussi de toute sa famille (et heureusement qu'on a l'arbre généalogique au début pour nous aider!). On pleurt, bien sûr, mais c'est bien plus que ça. Pas de stéréotypes, pas de mélo, mais des mots qui glissent juste entre les lèvres serrées. J'aime les poèmes qui ponctue le récit. Un petit pour la route:

"Je ne dirai plus jamais: "tout se termine"
mais "souris et commonçons, mon âme"
En de nouvelles mains je mets de nouvelles rames,
Et de nouvelles tours surgissent de la ruine"
De Antonio Gala, poemas de amor
(traduction de Brouet)



Dans La Nouvelle Orléans après le déluge, c'est un dessin plus pop, plus flashy, plus monochrome, mais des personnages tout aussi attachants, car nous suivons jour après jour Denise, Leo et Michelle, Kwame, tous plus ou moins convaincus que le pire n'arrivera pas, et pourtant... On se dit qu'on pourrait bien avoir été comme eux, à sous-estimer ce qui allait advenir, à penser que les digues étaient là, que l'Etat sauverait tout le monde, avec l'armée, la médecine moderne, les services de secours, mais non! On a beau avoir lu, vu, cette BD nous immerge au coeur du cyclone, sous les flots noirs et puants, et on en perçoit d'autres choses que ces récits ressassés.

Deux petits chefs d'oeuvre pour comprendre les dimensions humaines, sociales, politiques, économiques, médicales, des instants trop forts pour que les mots suffisent.

Des BD pour ceux qui aiment les témoignages vivants et riches.

Des BD pour les médecins, les victimes, les accompagnants, les proches et loin de la mort, les rêveurs et les pessimistes, les catastrophistes éclairés et les dessinateurs en herbe!




25 novembre 2012

Polar cubain

Aujourd'hui un petit polar cubain, un polar d'ambiance, de lenteurs, de bureaucratie. Passé Parfait de Leonardo Padura nous plonge dans une histoire de disparition mystérieuse. Nous sommes à La havanne, en 1989, et le lieutenant Conde essaie de comprendre où est passé Rafael Morin, directeur d'une grande entreprise locale. Mais là où tout se complique, c'est que Rafeel et lui était au lycée ensemble, et tous les deux amoureux de la même Tamara.

On est donc à la croisée des chemins, entre enquête présente et passé trop présent.

Un livre où l'on sent de la lucidité sur les dérives du système politique et institutionnel en place.

Un livre très humain, trop humain.

Le roman est intéressant dans la forme, avec des procès verbaux, des extraits d'enregistrement d'entretiens, les allés retour entre passé et présent. Le ton est assez proche d'un Fred Vargas pour les amateurs d'Adamsberg.

"Quand il pénétra au commissariat, le Conde se surprit à regretter la paix du dimanche. Il était à peine huit heures cinq mais on était lundi. Or tous les lundis, on avait l'impression que la fin du monde était proche, que le commissariat se préparait pour une évacuation digne d'une guerre atomique. Les gens ne prenaient pas le temps d'attendre l'ascenseur, ils couraient dans les escaliers. Il n'y avait plus de place dans le parking et les saluts se limitaient à un ça va, fugace, ou un à tout de suite ou un vague bonjour..."

Un roman pour tous ceux qui s'intéressent à Cuba, son passé, son système, ses moeurs.

Un livre pour les amateurs de polar, de rhum et de cigares.

Passé parfait sera très bien pour ceux qui aime l'humour désabusé des flics solitaires, un peu paresseux, un peu amoureux, un peu désenchanté.


19 novembre 2012

Acme Novelty Library Vol. 18



Ca vous est peut-être arrivé, de passer devant des immeubles, la nuit, dans une grande ville, et d'essayer de regarder à travers les vitres quelle pouvait être la vie à l'intérieur. Parfois on aperçoit un bout de bibliothèque, ume ombre, et on se prête à imaginer...

Chris Ware nous propose justement en BD de nous attarder sur un immeuble, et plus précisément sur une des habitantes des lieux. C'est une jeune femme, un peu timide, un peu grassouillette qui vit seule. Il nous fait entrer dans sa vie par ses pensées, mais surtout par tous ses gestes du quotidien, se lever, s'habiller, faire une machine. Peu à peu on découvre son univers.

Chris Ware a un ton hors norme, une temporalité mystérieuse, pour vous faire entrer dans la vraie vie. Pas de suspense, pas d'émotions fortes, mais tout est dit. Je ne vous en dis pas plus sur l'héroine de cette fiction.

Je vous laisse découvrir un graphisme simple et précis, qui varie tout petit cadre et grands formats.

Une BD que l'on peut lire et relire, avec des regards différents...

Un livre sur la vie, tout simplement.

Merci Hélène pour cette belle découverte!


08 novembre 2012

Joyeuse singularité



Il y a des singularités joyeuses à défendre, à cultiver, et à aimer...

Et c'est bien ce que nous propose Grimbert dans Un garçon singulier.

Dans les années 70, un étudiant un peu perdu, qui tente de faire psychologie, accepte un job hors du commun: s'occuper d'un autiste.

Il découvre peu à peu l'étrangeté de ce mal, des formes nouvelles de communication, et au fond il se trouve aussi lui.

Un livre fort, sur les relations filiales, sur l'amitier, sur le handicap.

Un roman qui se lit d'une traite ou presque!

Merci Marion!!

Un livre à conseiller pour ceux qui aiment les émotions et les histoires qui mêlent de nombreux sentiments en peu de mots.

Un livre à recommander à ceux qui s'intéressent à l'autisme, au rapport aux enfants handicapés.

Un roman pour ceux qui aiment les questions initiation à la vie et à l'autre!

29 octobre 2012

Un peu d'italie...



Aujourd'hui, un peu d'Italie, avec un grand classique: Le jardin des Finzi Contini de Bassani.

Tout commence par la fin. Le narrateur nous raconte qu'après la seconde guerre mondiale il a repensé à la tombe monumentale de la famille Finzi-Contini qu'il aimait tant, en sachant que malheureusement elle n'abrite qu'un fils, car toute la famille a péri à Auschwitz.

C'est alors qu'il se replonge dans ses souvenirs, et surtout dans son histoire d'amour pour la fille de la maison Micol. C'est l'histoire d'un amour fou mais platonique, de deux jeunes qui se croisent à la synagogue, marchent dans les jardins,... un amour qui peu à peu est à sans unique, mais redouble de force.

On est ému de cette jeunesse qui voit monter le fascisme, de leurs discussions endiablées. La plume de Bassani, avec des phrases longues, des parenthèses, des tirets, nous emporte d'un trait. Tout reste subtile; les non-dits, les souvenirs, et les espoirs se croisent.

Merci à Christine pour ce conseil de lecture! Quelle belle langue italienne!

Et en plus, il paraît qu'il y a aussi un film!

Avis aux amateurs de romans d'amours tragiques...

Avis aux amateurs d'Italie... de Venise... de Ferrare...

26 octobre 2012

Emails et vent du nord



Gut gegen Nordwind, traduit en français chez Grasset Quand souffle le vent du nord, de Daniel Glattauer est un roman épistolaire des temps modernes qui se lit très vite entre deux métros.

Tout commence sur un malentendu. L'héroïne du roman écrit un email pour résilier son abonnement à un magazine, mais suite à une erreur de frappe l'email arrive dans la boite d'un particulier qui a pas mal d'humour... Commence alors une correspondance électronique endiablée, sur la vie, et l'amour...

On y parle de tout et de rien, on y flirte, et cela pour le plus grand plaisir du lecteur.

Étrange comme les écrans permettent l'intime, la protection, mais aussi le mystère, la prise de risque, etc.Jusqu'où iront nos eux héros? Je ne vous en dis pas plus!

Un petit roman à glisser dans sa poche pour des courts trajets, car il se lit d'emails en emails... ce qui peut favoriser les interruptions dans la lecture!

Merci Claire pour le conseil!!!

Que ça fait du bien de lire en allemand!


22 octobre 2012

Correspondance



Voici un grand classique des romans épistolaires: 84 Charing cross road d'Helene Hanff. C'est l'histoire d'une américaine à la recherche d'obscures ouvrages, et qui est prête à s'emporter vivement par lettres pour les obtenir d'une petite librairie britannique.

De mots en mots, des liens se tissent, sur fond de guerre et de manque de denrées alimentaires d'un côté, et sur fond de générosité de l'autre... les lettres donnant lieu pas à pas à des envois de colis alimentaires!

On s'attache aux personnages, même si on ne les connait qu'épisodiquement, par voie postale!

On sourit du ton, de l'humour, et des décalages culturels, de missive en missive.

Un livre qui donne envie d'écrire de bonnes vieilles lettres traditionnelles, et d'en recevoir!

Merci Jean-Pierre pour le conseil!


14 septembre 2012

Entre radicalisation et occidentalisation



Voilà un roman qui tombe à pic dans l'actualité du moment: Black Album de Hanif Kureishi. C'est l'histoire d'un jeune anglais étudiant d'origine pakistanaise, Shahid. Il vit dans une sorte de cité universitaire où il fait la connaissance d'un voisin radicalisé. Shahid est en pleine quête identitaire et s'interroge sur son appartenance à sa communauté, sur son intégration à la société britanique, sur ses valeurs.

Sa réflexion se porte sur sa spiritualité (le sens de prier, d'aller à la mosquée), sur sa sexualité (la place de l'erotisme, le rapport aux femmes), sur la politique (quel engagement dans nos sociétés).

Ce qui est très fort c'est que le roman interroge l'islam, la radicalisation, l'occidentalisation à travers des expériences singulières, émotives et passionnées. Il ne s'agit pas de théories abstraites mais de choix du quotidien, avec qui on sort, si on boit ou on se drogue ou pas, si on est solidaire ou pas des membres de son réseau, etc.

Le problème du roman est qu'il n'en demeure pas moins caricaturale à bien des escients. Tout est extrême: des radicaux qui prennent une aubergine pour un signe divin, à la professeur pronant l'occidentalisation par une sexualité débridée et des drogues à outrance. N'y-a-t-il pas de voie du milieu?

Un espoir quand même la litérature, enfin en partie... Car la montée des fatwas et des autodaffés la met clairement en péril de pages en pages.

Un roman à lire pour découvrir la vie nocturne des clubs londoniens et leur folie...

Un roman à lire pour tous ceux qui s'interrogent sur les quêtes identitaires et leurs conséquences...

01 septembre 2012

Plan social



Il s'appelle Rudi, elle s'appelle Dallas. Et ils s'aiment pour le meilleur et pour le pire... mais point de château au soleil comme toile de fond, plutôt une usine, la Kos, où ils travaillent et qui connait de très grosses difficultés selon la direction.

Un roman qui est l'histoire d'une ville, d'un collectif de lutte, des tensions sociales, comme on en voit plein à la télévision au journal de vingt heures.

C'est écrit comme un feuilleton télé, avec en titre de mini chapitre les lieux, et au coeur du texte des dialogues. Et entre chaque partie, des rebondissements. Ça se lit tout seul, on s'attache aux personnages, et on vit le plan social de l'intérieur.

Le titre: Des vivants et des morts de Mordillat.

Un livre simple à lire sur les tourments des ouvriers dans notre monde de délocalisation... qui plaira aux engagés et aux autres!

Merci Sophie!






09 août 2012

Corps et Esprit, Homme et Femme



Quel curieux voyage que celui que nous propose Nancy Huston dans Le journal de la création! Il s'agit d'aller au bout de ce que créer veut dire, aussi bien au sens propre d' enfanter, engendrer, qu'au sens littéraire d'inventer des romans, des vers, et des lettres.

Alors que Nancy Huston attend sont deuxième enfant, elle part à la découverte de ce que créer veut dire pour l'homme et pour la femme. Elle s'interroge sur la place particulière que peuvent avoir le corps et l'esprit dans ce mécanisme à travers l'exemple de couples d'écrivains célèbre. Sartre et Beauvoir, Sand et Musset.

C'est effrayant de voir à quel point le conditionnement social veut que l'homme crée des oeuvres grâce à des muses, tandis que la femme procrée.  Comme si pour qu'elle ait de l'esprit, écrive un roman, il fallait qu'elle renonce à la féminité, à la maternité!

Ce livre est étrange car il est très aride quand on tombe dans les recherches que Nancy Huston fait sur les couples d'écrivains, mais très humain et sensible, quand elle nous parle de ses maladies physiques et psychologiques, de son ressenti de la grossesse. En fait, elle tente de dépasser le dualisme homme/femme, corps/esprit par son texte même.

Un livre qui parlera aux femmes mais pas que!

"Ainsi tu seras mon fruit. Après les fragiles fruits fondants de la fin du printemps, fraises et framboises. avant les robustes fruits croquants et âcres de l'automne, pommes et raisins. Tu seras pêche, prune, abricot, un fruit tout rond dans la rondeur de l'été. 
Et je suis ton arbre.
Non pas ton arbre généalogique, tu ne porteras pas mon nom, mais l'arbre qui de sa sève t'aura formé. 
Le coeur de ton père bat mais tu ne l'entends pas. Les poumons de ton père respirent mais tu le les sens pas. Les entrailles de ton père sont vivantes, elles font des gargouillis, remuent, travaillent, digèrent, mais tu l'ignores."

C'est un récit très psychanalysant, où les connexions se multiplient entre vie et recherche, entre passé et futur. On y croise Oedipe, Electre, et bien d'autres. Nancy Huston nous montre à quel point on ne contrôle finalement que peu de choses en nous, tout en pouvant être créateur, force, art et vie.






02 août 2012

Etre au plus près de soi



Dans Toute passion abolie, de Vita Sackville-West, nous suivons Lady Slane, tout juste veuve, et qui décide enfin de vivre comme elle l'entend. Elle ne veut plus être réduite à son rôle d'épouse, ou de mère, ou de femme docile.

Ce roman écrit en 1931 est d'un style élégant et fin.

Tout y tourne autour du bien vieillir, de l'acceptation de soi, du détachement et des rêves.

Lady Slane nous montre quelle place donner au souvenir quand on prend de l'âge et que le corps devient un ensemble de petites douleurs.

C'est aussi un roman sur la place des femmes, les liens de famille, et les tensions lors de décès.

C'est un livre épuré, où les dialogues et les gestes sont les révélateurs de jeux sociaux avec précision, et où le sens de la vie est questionné avec tact.

Un livre à recommander à toutes, pour prendre un peu de hauteur et de recul. Ce personnage de Lady Slane est magnifique et attachant, dans toutes ses forces et ses faiblesses.

Deux extraits:

"Heureuse! Qui pouvait dire qu'elle l'avait été? Était-ce concevable de résumer toute une vie en un petit mot de deux syllabes. Heureuse! Certes, on pouvait l'être un instant, mais deux minutes plus tard connaitre le malheur. Heureuse! Qu'est ce que cela signifiait? C'était tout juste un mot commode pour ceux qui veulent que la vie soit uniformément blanche ou noire, pour ces petites gens perdus dans la jungle humaine et qui cherchent à se rassurer par une formule. Heureuse! Il y avait des moments où elle aurait pu dire: oui, j'étais heureuse; et avec autant de conviction: non, je ne l'étais pas."

"Et aussi la manifestation de toutes sortes de petites douleurs, pour lesquelles elle commençait à éprouver une véritable affection. En fait c'était son corps qui était devenu son plus fidèle compagnon. Jamais plus il ne se faisait oublier. Toutes les petites misères corporelles, celles-là même que l'on garde pour soi, qu'on ignore quand on est jeune, étaient désormais devenues envahissantes, exerçant sur elle une sorte de rassurante tyrannie. Ce soupçon de lumbago qui l'obligeait à quitter son fauteuil avec précaution lui rappelait ce jour où à Nervi elle s'était démis une vertèbre, depuis ce temps d'ailleurs son dos n'était plus très solide. Elle connaissait également de petits problèmes intimes avec ses dents, qui l'obligeaient à mâcher lentement, d'un côté plutôt que de l'autre. Instinctivement, elle pliait le troisième doigt à la main gauche, pour prévenir une douleur due à une névrite."


24 juillet 2012

Codage et décodage de l'imaginaire



Haruki Murakami n'a jamais fini de nous surprendre. Dans La fin des temps, il nous emmène dans un mystérieux ascenseur et un dédale de couloir à la découverte d'un savant, qui fait des expériences sur le cerveau humain, à vous couper le souffle. S'en suivent alors deux histoires en parallèle, qui comme toujours finissent par se rejoindre avec subtilité et force! Les deux univers qui alternent s'appellent "fin du monde" et "Pays des merveilles sans merci". On alterne entre d'un côté un monde moderne proche du nôtre, avec ses supers puissances, son informatique et de l'autre un monde clos et parfait Moyen-ageux avec des licornes et autres mystères.

Un roman pour ceux qui questionnent la science tout en aimant les rêves!

Un livre qui plaira aux informaticiens, aux programmeurs mais aussi aux amateurs de contes et légendes!

Bref, un mélange détonnant où tout est possible et où l'on marche tout seul vers l'incertain!

On y retrouve toutes les obsessions murakamiennes, les musiques qu'ils aiment, ces alcools fétiches, ses goûts littéraires, etc.

On sent aussi un regard critique sur les camps de concentration et d'extermination en demi-teinte.

Un livre qui interroge également notre rapport à l'inconscient, à notre psychique et à son évolution dans le temps.

A lire sans modération!

On pense au film Dans la peau de John Malkovich. On pense parfois à Kafka, ou à d'autres auteurs russes. Ca évoque aussi Les falsificateurs de Bello. Mais non, nous sommes bien dans un Murakami, pas de doutes! C'est fort, très très fort!

A conseiller à tous ceux qui aiment être déroutés, cloués par un imaginaire en folie, tout en gardant les pieds sur terre!



18 juillet 2012

Apprendre à vieillir



Emily est agée, et vit seule à Pittsburgh. Elle s'occupe à sa routine du quotidien, les mots croisés, le chien, les repas, les couchés. Ses enfants habitent loin d'elle, et ne l'appelle que de temps à autres. Elle est veuve. Pourtant il ne lui manque rien. Elle continue le fil des heures, pas à pas, libre.

Stewart O'Nan nous fait découvrir un des pans de l’Amérique, celui qui vote conservateur, celui qui est vieillissant, comme ça, sans en avoir l'air.

Ce roman montre que la vie à tout âge peut être pleine d'imagination, d'inconnu, et de déconcertant.

"Dix heures du matin, et la seule chose dont elle avait envie, c'était de dormir. Elle écrivit ses cartes de remerciements l'esprit embrumé, se fit une soupe et un toast à midi, avala un bouchon de Dayquil nauséabond et se mit au lit. Dehors, le vent faisait rage et les fils téléphoniques se balançaient follement. Elle resta un moment à regarder la lumière changeante au plafond et à écouter Rufus respirer, le tourbillon de ses pensées amplifié par le silence. Elle avait les bronches prises, les sinus bouchés, et contemplant la porte fermée, elle se rappela la façon dont enfant, quand elle était malade, sa mère faisait de la soupe, la lui apportait sur un plateau et glissait une serviette dans l'encolure de son pyjama."


Un livre qui offre dignité et vulnérabilité, unis deux à deux dans une valse tendre!

06 juillet 2012

Manoir enchanté



Voici un livre qu'on n'a pas envie de finir, histoire de rester un peu plus dans cet univers joyeux: Quatre soeurs de Malika Ferdjoukh.

Elle s'appelle Enid, Hortense, Bettina, Geneviève et Charlie. Elles sont cinq soeurs et vivent seules depuis la mort de leurs parents au sein de la Vill'Hervé, une grande maison au bord d'une falaise, qui sent bon les gâteaux, qui abrite un gnome dans la chasse d'eau et un serial semeur de poireaux!

Un roman tout plein du magique de l'enfance, des douleurs de l'adolescence et des joies et peines du devenir adulte. C'est un livre où l'on meurt, où l'on tombe amoureux, où l'on s'aide, où l'on a peur, où l'on est malade... Bref un concentré de vie un brin de folie en plus!

Certaines personnes portent des tenues "Christian Duchose"; certaines situations sont "Hypersolaire", "tour Eiffel" ou "top Niagara"! Certains s'appellent Tancrède d'autre Béhotéguy! Et les titres des chapitres sont top "Le fantôme fait des heures sup'" "Jeunes zomes de moins de 77 ans", etc.

Partez donc à la découverte de cette famille Verdelaine, de leur crabe en laisse, leur rat Mycroft, leur cafard dans la boite de tic tac! Vous ne serez pas déçus du voyage!

Le livre est construit autour de quatre soeurs, quatre saisons, avec des bouts de lettres, de chansons, de tirades, et des plans sur la comète!

Vous allez bien vous amuser!


24 juin 2012

Mère Fille



C'est l'histoire d'une mère qui marie sa fille, alors qu'elles ont toutes les deux des visions diamétralement opposées de l'amour, de la vie, de la famille.


La noce d'Anna de Nathacha Appanah accroche tout d'abord par l'écriture, audacieuse et franche, dès l'incipit:

"Il faut que je vous raconte doucement. Avec calme, sans me presser. Que j'attende que les mots se détachent du fond de moi-même, se promènent un peu, arrivent jusqu'à ma gorge et sortent comme un souffle, une expiration comme une autre, quelque chose que l'on fait des milliers de fois par jour, une évidence. Pour une fois, ne pas se laisser bousculer, ne pas céder au quotidien, résister à l'occupation première de nous tous, chaque matin: remplir nos vies, jouer à être Dieu, faire les cons.
Il faut que je vous dise comment nous attendons des années pour qu'enfin il se passe quelque chose, qu'enfin la roue tourne, qu'enfin nous soyons boutés hors de la torpeur du quotidien, et soudain, au détour d'un regard, dans la chimère d'une journée semblable à une autre, c'est là, maintenant, ici, ce que nous espérons depuis toujours: une autre vie à portée de main. Mais bien souvent, à force de remplir nos vies, de jouer à Dieu, de faire les cons, ce moment là nous échappe et nous continuons, sans nous douter une seconde, que nous avons laissé là maintenant la chance de notre vie, l'homme de notre vie, la femme de notre vie."


Un récit plein de surprises et d'attendus, autour d'une journée de noce, ses codes, ses rites et ses détours.

Les différentes étapes du mariage sont autant de moment pour la mère narratrice de se remémorer sa vie à elle, ses choix, ses fuites et ses peines.

Un livre pour ceux et celles qui ont envie d'aller au bout de leurs envies, et de croire à des petits moments étoilés même dans le doute.

Un roman au féminin, où les relations mère-fille sont interrogées à différents âges de la vie.

Un petit poche Folio qui se lit tout seul, à la veille des vacances, et en attendant le retour du soleil si bien caché en ce moment!

20 juin 2012

se retrouver



Il y a des moments où on a juste besoin de se retrouver au milieu de personnages qu'on connait, dans une petite ville, avec ce qu'il faut de suspense pour tourner les pages, juste comme ça sans plus!

Et là, il y a Camilla Läckberg et La sirène pour vous sauver!

Erika, l'écrivain qui enquête sur les terres de son policier de mari, est de retour, avec cette fois-ci une histoire sordide de lettres anonymes et de disparition.

Toujours le même procédé littéraire de construction de l'intrigue avec des chapitres du point de vue du méchant, dont on ne connait pas l'identité bien sûr, qui alternent avec des chapitres du point de vue des gentils qui courent après les méchants! Ajouter à cela le fait qu'Erika est à nouveau enceinte... et ce sont des jumeaux! Tout ce qu'il faut pour oublier les trajets en métro dans des pages toutes simples!

Avis à ceux qui cherchent un policier sans façon, à la mode nordique!



31 mai 2012

Pas toujours tout noir ou tout blanc




La couleur des sentiments est un roman qui se passe dans la ville de Jackson, Mississippi, à l'époque de l'esclavagisme. On suit les bonnes de familles plus ou moins riches de la ville, leurs vies, leurs peurs, leurs souffrances, et leurs joies. Chacune d'elles est tour à tour le narrateur d'un chapitre pour nous initier aux us et coutumes du moment. Parallèlement, une des femmes blanches de la ville commence à se poser des questions sur le statut des bonnes, la ségrégation, et décide de rompre les codes sociales établis en allant à leur rencontre, dans le plus grand secret. Elle est aussi une des narratrices du livre.

Un livre plein d'humanité, d'amour, et de suspense... et en même temps, presque l'histoire d'une enquête sociologique sur les relations entre bonnes et patronnes. Un livre sur les femmes, leurs liens, leurs antagonismes, leurs postures sociales.

Pas étonnant que La couleur des sentiments ait connu un tel succès! Les personnages sont attachants, le ton est juste, l'histoire est bien montée.

Ce que j'ai trouvé le plus intéressant est le volet éducation des enfants. En effet, ce sont les bonnes qui en grande partie l'assure, alors même qu'elles ne partagent pas forcément les valeurs des parents de l'enfant. 

Un autre aspect très riche du livre, je trouve, est le détail du quotidien des bonnes, jour après jour. Et leur double vie entre la journée et le soir une fois changée, lorsqu'elles se retrouvent à l'église.

Enfin des anecdotes croustillantes ponctuent le texte, lui donnant des respirations amusantes.

Un livre à conseiller à tout ceux qui ont aimé Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur. J'ai trouvé des similitudes.

Un roman pour tous ceux qui aiment les histoires d'intérieur, au coeur des foyers, et des non-dits familiaux. La question des femmes et de leurs places dans les maisons, et dans la société, est bien traitée.

Un texte à lire pour mieux appréhender les relations blancs/noirs dans les Etats-Unis des années soixante.

Bref, un livre qui se lit bien, et qui donne envie de le conseiller à tous et à toutes. 

26 avril 2012

Royaumes et voyages



Le tome 2 de Vango de Timotée de Fombelle a tenu toutes ses promesses: des rebondissements, des sentiments, des voyages, du suspense!

Nous retrouvons Vango pourchassé, la charmante Ethel, la taupe, le méchant vendeur d'armes passé maitre du déguisement, etc. La seconde guerre mondiale bat son plein. Rien ne va plus!

Un texte facile d'accès, amusant, et qui n'est pas sans rappeler les Dumas ou autres Leblanc.

Un livre à offrir aux jeunes et aux moins jeunes, curieux d'aventures et d'escalades!

De New York à Paris, en passant par l'Écosse ou l'Italie, vous ne serez pas déçus du voyage!


17 avril 2012

Imbroglio





Les chroniques de Jérusalem de Guy Delisle ou comment l'imbroglio peut dépasser l'imaginable.

Dans cette bande dessinée, Guy Delisle nous emmène comme à l'accoutumé découvrir la vie quotidienne dans des zones pas simples politiquement. J'avais été vraiment touchée par son style de reportage en B.D. qui permet de voir dans les détails des jours qui passent toute l'histoire, la politique et les tensions sociales des lieux instables qu'il côtoie.

Pour cette chronique, on est marqué par les difficultés de tous les jours, les check-points, les embouteillages, les détours, les contrôles, les restrictions alimentaires en tout genre. On est rappelé aux terribles incompréhensions entre les peuples et leurs conséquences (le mur, la propagande, etc.)

Avec sa joyeuse naïveté, on s'attache à lui et à sa petite famille, qui s'adapte à toutes les circonstances.

Un livre à lire pour essayer de comprendre ce que peut être le vécu des gens là-bas, autrement que par les images des reportages du 20h.

Un livre qui essaie de rendre compte au plus juste des décalages de perceptions, des jeux de pouvoirs et des craintes des populations au quotidien.

Un beau travail de reporter, témoin, croqueur d'anecdotes révélatrices.

J'aime sa capacité d'étonnement, la sincérité avec laquelle il décrit aussi ses moments difficiles d'exaspération, de frustration, et enfin la bonne distance qu'il arrive à avoir avec ce qui l'entoure.

A quand le prochain tome?


12 avril 2012

V comme... Vango!





Romanesque, enlevé et sympathique, laissez-vous emporter par Vango de Timothée de Fombelle. Un roman dit "pour adolescent" mais qui fera le bonheur de tous! Du panache, du mystère, du suspense, de l'amour, tout y est... même quelques dessins et carte forts instructifs!

C'est une grande épopée qui donne à voir l'Europe au XXe siècle. Tout commence dans les îles éoliennes, où Vango s'échoue avec sa nourrice tout jeune enfant. Un mystère entoure sa naissance... et cela se comprend très vite d'autant qu'il est pourchassé de toutes parts par des hommes mystérieux.

On l'accuse de meurtre, on s'en prend à ses proches... Qui est donc Vango, cet escaladeur de génie, amoureux de la nature, et curieux des autres?

L'écriture est inspirée: elle mêle des hirondelles à des commissaires si mauvais qu'ils font rires. Elle crée des histoires de violette qui donne espoir... des châteaux... des vols en dirigeables... des îles où se cachent des monastères mystérieux...

Au début, on peut être dérouté car on saute de pays en pays, de personnages à d'autres, sans trop comprendre les liens. Puis tout s'éclaire, se noue... des ennuis des uns avec la Gestapo, au manoir écossais des autres!

C'est un hymne à ceux qui osent s'indigner et se battre pour leurs valeurs, même au milieu de la tyrannie.

C'est un ode à la fidélité à soi et aux autres.

Bonne nouvelle, il y a un tome II!

Pourvu que l'aventure continue encore longtemps!

Un livre à conseiller à ceux qui ont aimé Harry Potter de J.K. Rowlings ou Northern lights de Pulman.

Un livre pour ceux qui aiment être emportés par de belles histoires, avec des héros qui font rêver!






03 avril 2012

Une petite rose de printemps




Sur les conseils d'Emmanuelle (merci!), j'ai lu
ROSA CANDIDA de Audur Ava Olafsdottir. C'est simple, sincère, sobre. Rien à ajouter, rien à enlever.

L'auteur est islandais, mais rien à voir avec la dureté des polars du coin!

C'est une sorte de Road movy. On suit un jeune homme de 22 ans, qui quitte son pays pour aller s'occuper d'un vieux jardin d'un monastère connu et reconnu pour ses roses, en tout genre. En chemin il fait des rencontres, il pense à ses parents, à sa vie, etc. Ça a l'air banal et à la fois singulier. C'est sûrement un des secrets du succès de ce roman, dont je ne veux pas vous en dire plus pour vous laisser la surprise de la découverte.

C'est un roman délicat et tendre sur le devenir père, sur les jardins, les moines et les vieux films. On s'attache aux personnages du père, du frère, de la mère,... On aime écouter les dialogues entre un des frères et le héros sur la mort, le corps, l'amour, à l'aune du cinéma!

Les chapitres sont courts. Le quotidien est juste comme il faut pour nous prendre avec lui.

Un roman à lire absolument.




01 avril 2012

Tome 3...




Et voilà, le tome 3 est déjà fini. 1Q84 m'a réemportée bien loin dans un univers à deux lunes, où deux coeurs se cherchent.

Murakami nous fait basculer avec une extrême facilité dans un monde de normalité et d'attente, où tout finit par être extraordinaire. Il n'y a rien que des êtres qui se cherchent, dans une lenteur singulière des jours qui passent, et pourtant tout est magique et curieux.

"Je vais tâcher de ne pas penser à des choses inutiles, songea Ushikawa. Je vais m'endurcir, me façonner une cuirasse, et laisser simplement un jour succéder à un autre. Je ne suis qu'une machine. Une machine efficace, constante, insensible. Par l'une de ses ouvertures, j'aspire le temps neuf puis, ce vieux temps une fois transformé, je le recrache par une autre ouverture. La raison d'être de cette machine est son existence même. Il devait revenir à ce cycle pur et naturel."

Haruki Murakami interroge la temporalité. Pourquoi serait-elle forcément linéaire? Le temps est bien plus que nos chronologies...

Un roman qui questionne aussi nos souvenirs, le rapport à notre histoire, et aux filiations. Qu'est ce qu'être mère, fille, fils?

Des personnages curieux ponctuent le récit, comme ce Monsieur de la NHK, qui fait du porte à porte pour vérifier que les personnes paient bien la redevance télé? Un fantôme? un être réel? notre mauvaise conscience?

Je ne vous en dirais pas plus, je ne ferais que vivement vous recommander de lire ce roman... dont je ne suis pas sûre que le tome 3 en marque la fin.

Vivement Murakami prix nobel de littérature!


20 mars 2012

Suite...



A la fin de la BD de Davodeau (voir message précédent), il y a une page intitulée BU/LU, où ils détaillent les vins et bandes dessinées dégustés lors de leur initiations mutuelles.

Alors, je suis passée par la bibliothèque, et j'ai commencé l'exploration! Ça donne deux découvertes très différentes:


Pachyderme de Frederik Peeters. Une BD qui se passe en Suisse dans l'immédiat après guerre. On suit une jeune femme un peu perdue au milieu d'une histoire d'accident de voiture et d'agents secrets... Avec bien sûr un éléphant, mais je ne vous en dis pas plus. C'est très fantasmagorique. Les images en plans subjectifs sont riches, vivement colorées. Entre rêve et réalité, l'auteur joue habilement avec la temporalité et la mise en récit. On se laisse prendre...




La beauté à domicile de Jean-C. Denis. Une BD qui décortique avant tout les histoires de coeur, les relations humaines, les petits mensonges et les grandes vérités. C'est surtout l'histoire d'un mystère prénommé Angela et que deux hommes tentent de comprendre pas à pas. L'un est chauffeur de taxi au black, l'autre est ostéo. Chacun son histoire et son regard sur cette mystérieuse intrigante. Ça sent le vécu, les prises de têtes et les coups de gueule.


Je vais continuer l'exploration!

Et n'hésitez pas à me recommander vous aussi vos coups de coeur B.D.!

15 mars 2012

De l'humain en barre...





C'est de l'humain en barre, un livre qu'on a envie de garder tout contre soi tout en rêvant de vivre aussi intensément que ces personnages. Il s'agit de la BD
Les ignorants d'E. Davodeau, de qui j'avais aussi aimé Lulu femme nue.

Etienne Davodeau ne connait pas trop le travail du vin et son ami vigneron ne connait pas trop la bande dessinée. Les voilà partis dans l'aventure d'une initiation mutuelle et dans la réalisation d'un livre où se croisent découvertes des vins et des B.D sous le crayon d'Etienne Davodeau.

Ce qui m'a le plus touchée, je pense, est le coeur que ces deux là mettent à l'ouvrage; On sent la passion, l'enthousiasme, la persévérance, l'envie. Par ailleurs, j'aime la franchise que dégage le récit. Si on n'aime pas, on le dit, et c'est tant mieux, qu'il s'agisse d'un vin ou d'une bande dessinée. Et puis on finit par se prendre au jeu de découvrir avec eux deux filières celle du vin et de l'édition de B.D.. J'ai couru à la bibliothèque hier soir emprunter les bandes dessinées lues au cours de l'initiation racontée dans le livre, et mon caviste ne paie rien pour attendre!

Je crois que ce qui me plait aussi, c'est ce désir d'apprendre, cette curiosité, qui est le moteur de la narration. On aimerait que cela continue, toujours.

Enfin, les rencontres qui marquent le récit, sont fortes, profondes, et elles donnent envie d'aller vers l'autre pour en appréhender son mystère.

Quant au dessin, il est assez simple, épuré, du noir et blanc. Il est humain, quand Etienne Davodeau se plaint de ne pas réussir à dessiner son copain qui vient de se raser la barbe! Il est touchant quand on voit nos deux héros contempler des vignes dans le Jura. Je me suis attardée sur cet encart là en haut de page car je pense que l'on peut chercher à contempler n'importe quel sujet d'expertise comme Etienne Davodeau nous montre ce paysage: avec intensité, avec finesse, en l'englobant dans une bienveillance critique.

Et bien sûr, que de joie de retrouver deux héros de la B.D. le photographe qui est parmi mes préférées...

Bref, on se sent à la maison, on se sent bien entouré... De la douceur et du sens dans un monde de brutes désorientées.

C'est un livre que j'ai envie de conseiller à tout le monde. Même à mes copines qui me répondent: " oui mais moi je ne suis pas BD ". Je dirais: laissez-vous tenter.




13 mars 2012

Mise en abyme




Si vous souhaitez vous prêter à un jeu curieux de mise en abyme, ce roman est pour vous: Le motif dans le tapis, d'Henry James.

Ce grand classique de la littérature nous plonge auprès d'un critique littéraire, dont l'un des auteurs qu'il lit et commente régulièrement lui avoue cacher dans son œuvre un sens à trouver, un motif qui traverse tous ses écrits. Il lui déconseille de se lancer dans sa quête. Pourtant comme vous vous en doutez, la curiosité de lecteur du critique est piquée au vif et il se lance à corps perdu dans la quête du fameux motif.

C'est une sorte de polar de la littérature, avec un curieux jeu qui consiste à nous placer nous aussi à la place de ce lecteur qui cherche à comprendre le sens caché du texte.

Un livre pour tous ceux qui s'intéressent au secret et à ses mystères. Toute la tension narrative se construit autour du secret que certains personnages percent et d'autres pas.

Un texte pour tous ceux qui sont curieux des liens entre critiques littéraires et romanciers, et des petits jeux sociaux des cercles d'intellectuels.

Un livre donc hautement intellectuel et conceptuel je trouve... et qui garde son mystère tout en en faisant tout l'objet de sa narration.

24 février 2012

Extrêmement fort




Voici un livre extrêmement fort:
Le jour où Nina Simone a cessé de chanter de Darina Al-Joundi et Mohamed Kacimi.

C'est l'histoire vraie de Darina, née en 1968, fille d'un syrien réfugié politique au Liban et qui ne lui a transmis qu'un message en tant que père: être une femme libre, libre de croire, d'aimer, de danser, de boire, bref de vivre.

On suit son enfance, son adolescence et son devenir adulte sous les bombes, dans les abris, dans les exils, dans les hôpitaux, dans les bars,...

Ce livre se lit d'une traite tant on est emporté dans l'histoire, avec un grand H et un petit h. Les scènes sont fortes. Il y a le jour des funérailles de son père, où elle fait taire les récitations de Coran, malgré les représailles hors normes auxquelles elle s'expose. Il y a les soirées de coke et de roulettes russes entre jeunes à Beyrouth pour dompter la mort et les tirs permanents. Il y a les obus qui tombent, les écoles qui ferment, qui ré-ouvrent... les femmes qu'on enferme qu'on libère, les hommes qui sont un jour intellectuels, le lendemain prisonniers. Il y a ces scènes de la Croix rouge, où les blessés s'enchaînent dans toute la brutalité et la cruauté des massacres.

On découvre l'anomie et le chaos social de la guerre, et l'histoire du Liban, pays où se croisent des communautés diverses et qui peut devenir le théâtre d'affrontement qui le dépasse.

"Pour ne pas voir Beyrouth à la lumière, je vivais dans le noir, les rideaux tirés toute la journée. Je ne savais plus vivre sans la guerre, mon corps avait été programmé pour elle, depuis mon enfance, j'étais réglée par la peur, tous mes gestes n'avaient de sens que par rapport à elle, comment éviter les murs, les fenêtres, écouter le bruit, flairer le danger, traverser une rue, tout cela n'avait plus de sens avec la paix. Je ne savais plus aimer, ni baiser loin de la guerre, je ne pouvais pas dormir sans le murmure des balles. Du jour au lendemain, j'ai décidé de me faire la guerre, comme si je n'avais plus de goût à rien. Dans la rue, je me demandais tout le temps, en regardant les gens, qui avait tué et qui n'avait pas tué, qui avait violé et qui ne l'avait pas fait."

Comment trouver les mots pour dire la puissance de ce texte, l'émotion et la force qui s'en dégage?

A lire si l'on veut comprendre la guerre de l'intérieur, du côté humain trop humain.

A lire si l'on s'intéresse à la cause des femmes, à leur liberté et à leurs envies.

A lire si l'on veut comprendre l'arbitraire, la peur, et la folie.

Avis aux libres-penseurs, aux libres-aimeurs, vous goûterez encore plus vos désirs en voyant ce que veut dire en être privé.



Merci Sophie, d'avoir glissé ce livre dans mon sac...
Il s'inscrit très bien dans ma rubrique AU FEMININ!




21 février 2012

Rabelaisien?




Une découverte: l'écriture de Jorn Riel. D'origine danoise, il écrit avant tout sur le Groenland, et cela avec gouaille, humour, et roublardise.

Dans La maison des célibataires, on suit un groupe de vieux messieurs, qui squattent une veille maison et qui commencent à s'inquiéter pour leur retraite. Vont-ils pouvoir rester là? Vont-ils être mis dans un sinistre lieu pour vieux? Comment se sortir de l'affaire?

C'est alors qu'un d'entre eux se dit que pour s'assurer une rente, il serait bon d'épouser une riche veuve. Les voilà tous partis à l'aventure... Mais la vie de non célibataire n'est pas non plus toujours simple... quand on veut ne rien perdre de la vie, et quand la veuve en question a une sale réputation!

On observe donc avec amusement comment un homme qui ne se lavait jamais se met à s'habiller pour sa belle et ses moutons et ce devant une troupe de copains dubitatifs! C'est avec un ton polisson qu'on découvre la région et les habitudes du coin!

A lire pour se détendre avec gouaille, autour de vieux garçons buveurs...

A lire pour une courte pause haute en couleur!

Légèreté et humour...

Merci à Anne pour la découverte!

12 février 2012

Avis de perturbations!




Voici un pavé qui pose question et qui secoue: Le choix de Sophie.

Publié à la fin des années 1970, ce roman américain écrit par William Styron nous plonge dans l'après guerre, à Brooklyn. Stingo, un jeune homme qui essaie tant bien que mal d'accoucher de son premier roman se noue d'amitié pour Nathan et Sophie, un couple détonnant qui habite juste au dessus de chez lui. Les deux amoureux ne font que s'entre déchirer, s'aimer passionnément, violemment, sans limite. Stingo les suit dans leurs délires, dans leurs envies, et dans leurs peines. Il découvre que Sophie est une rescapée d'Auschwitz. Elle va peu à peu se livrer à lui, dans les moindres détails, jusqu'au plus extrêmes douleurs et humiliations.

La force de ce roman est d'interroger le nazisme avec un regard américain, où l'esclavage a aussi fait ses ravages. Les allés-retours entre la vie New Yorkaise et la vie du camp construisent un récit où se superposent les questions de bien et de mal, de folie et de littérature.

Le récit est une sorte de cycle infernal, qui reproduit des peines, des viols, et des moments doux et musicaux dont on ne trouve plus toujours le sens.

C'est donc un roman douloureux, et pourtant ponctué d'érotisme, de conversations métaphysiques, de rires et de dialogues enjoués.

Tout le monde ment, construit sa fiction pour mieux parler du réel. En ce sens, Le choix de Sophie pose la question de la sincérité, de la vérité, de la narration et du vécu sans cesse reconstruit.

Étrange roman réaliste, poussé dans ses recherches sur les plans nazis, mais qui créée pourtant des mises en abîmes qui jouent sur l'écriture et sa temporalité. Extraits de lettres, de journaux intimes, dialogues, dialogues rapportés, revus et corrigés, alternent avec brio, sans oublier les fameuses notes de lecture qu'écrit le narrateur au début du roman, et qui sont des petits amusements qui ne laissent en rien présager de la fin, et du terrible choix de Sophie.

Ce livre est donc à conseiller à tous ceux qui s'intéressent à la culpabilité, à la moral, et aux enjeux cornéliens du bien et du mal.

Un roman aussi à recommander à ceux qui s'interrogent sur les camps, le devenir des juifs, et surtout la survie des survivants après la chute du nazisme.

Un texte qui n'est pas facile, qui n'est pas à lire quand on est dans une mauvaise passe. Il contient des scènes choquantes. Il convient donc d'être dans de bonnes conditions pour se plonger dans Le choix de Sophie. Pour ceux qui le feront, ils en sortiront forts d'une vraie expérience littéraire, qui questionne la mise au roman des camps, et qui soulève de vrais enjeux moraux. Vous en sortirez perturbés, mais dans le bon sens du terme...

Un extrait sur Sophie qui vous montrera bien le style de Styron:

" Elle cherchait sa voie à tâtons. Pour avoir connu, et dans tous les sens du mot, une renaissance, elle avait un peu de fatigabilité, et en fait, beaucoup de l'impuissance d'un nouveau né. Sa gaucherie était celle du paraplégique qui retrouve peu à peu l'usage de ses membres. De petites choses, des petits détails absurdes continuaient de la dérouter."









16 janvier 2012

Se trouver à Venise




Marlena de Blasi nous offre dans Mille jours à Venise, une double histoire: celle de son coup de foudre pour une ville et celle de son mariage soudain avec un beau vénitien.

Dans les deux cas, ce n'est pas tout rose, ce n'est pas sans aléas mais c'est riche, c'est dense, et c'est intense.

D'un côté, elle décortique la société de Venise, ses codes ("faire bonne figure", "ruser innocemment"), ses modes de fonctionnement, sa cuisine. Et ce avec son regard d'américaine, journaliste et critique gastronomique. C'est assez amusant car on en apprend autant sur les vénitiens que sur les américains et le regard qu'ils portent sur les vieilles villes européennes.

D'un autre, elle analyse son histoire d'amour, ses incompréhensions, ses doutes et ses passions. On sent le lâcher prise, on sent aussi la retenue.

Les deux histoires s'entremêlent habilement pour former un récit plein d'anecdotes, de piquants et de surprises.

Une des forces de l'histoire réside dans la sincérité de son auteur et son recul. Ce n'est pas le récit d'une jeune passionnée, fougueuse, aventurière. C'est avant tout l'histoire d'une femme mure, qui a déjà connu l'amour, les enfants, la vie.

Le deuxième grand atout du livre est que l'auteur est passionnée de cuisine et qu'elle joint au texte ses recettes préférées. C'est donc un roman gourmand, plein d'odeurs, d'ambiances de marchés.

Je n'ai qu'une envie, lire la suite: Mille jours en Toscane.

Un roman à conseiller à ceux qui aiment les voyages et la découverte des cultures, des cuisines et des histoires.

Un roman pour ceux qui aiment lire des témoignages de vie.

Un texte pour les amoureux d'Italie et de Venise. L'auteur partage vraiment son enthousiasme, son optimisme, ses ardeurs.

10 janvier 2012

Ce livre peut vous changer la vie...




Drôle de titre pour un roman très hollywoodien mais pas que. Entre apologie et dédain du monde de l'ouest américain, on oscille. Est-ce un livre à lire au premier ou au deuxième degré?

Richard, un trader richissime, se retrouve cloué sur son canapé avec une très forte douleur, qui lui donne la sensation qu'il va mourir sur place. C'est alors que tout bascule. Il rejette en bloc tout ce qui a été sa vie aseptisée, sans humanité, et se lance dans l'aventure de l'ouverture aux autres et aux sensations... bref à la vie. Il devient un bon samaritain.

Un livre qui ressemble à Ensemble c'est tout, Hollywood en plus. En effet, c'est avant tout un livre qui exalte les petits bonheurs du quotidien, les rencontres, et la possibilité de se reconstruire une existence riche de sens quand tout semble vide et vain. Un livre où l'on peut côtoyer les rock-stars et les acteurs, tout en mangeant des donuts chez l'indien du coin.

C'est aussi un livre qui parle de Los Angeles, et de cette ambiance côte ouest des Etats-Unis. Son climat, ses plages, ses acteurs célèbres, sa pauvreté. Un livre qui montre le pathétique de la vie là bas, tout en en captant des moments forts. Un lieu où l'on construit des villas top design sur des terrains non viables, où des chevaux sont sauvés par hélicoptère, et où l'on est dans la méfiance de tout.

Ce qui est intéressant je trouve, c'est que tout l'environnement dans lequel Richard évolue glisse, se troue, tremble, s'enflamme, comme le personnage lui-même. Ainsi glissement de terrain, trous qui apparaissent dans le jardin, et autres tremblements de terre se faufilent dans le récit et prennent une place particulière.

Un autre aspect riche du texte est la critique social. Les personnages mangent des produits extra sains, sans gluten, se font des perfusions de vitamines, et courrent sur des tapis roulants, mais d'un autre côté, ils n'ont aucun réflex sain de vie. Tout ce qui semble bon pour eux est complétement construit artificiellement. C'est un grand livre sur le vide.

L'argent aussi joue un rôle très fort. Ce qu'on peut ou pas s'acheter. Ce qu'on donne ou pas à l'autre. Ce qu'on laisse voir ou pas. Mais là encore d'une façon très artificielle.

On croise des archétypes: l'assureur, le médecin, le gourou, l'infirmière des urgences, la femme au foyer, etc.

Enfin, le livre interroge le lien père-fils. Richard a abandonné sa femme avec leur fils Ben, il y a longtemps, et la crise qu'il vit l'interroge sur sa démarche, et son éloignement familiale.

Ajouter à ça une dose de tout le monde peut être un héros, et vous avez le scénario du livre.

Ça se lit tout seul (beaucoup de dialogues, des traits d'humour), on s'attache aux personnages, et on a envie d'être dans l'ouverture et le possible en le lisant... tout en sentant l'amertume et le ridicule de cette société.

« Ils le hissèrent sur la civière, et lorsqu’ils le soulevèrent un cri lui échappa ; il ignorait pourquoi. Il était entouré de pompiers, d’infirmiers, de policiers qui le portaient ? cela faisait des années que personne ne l’avait porté. Il s’efforça de les aider, de se faire plus léger. Un flic lui demanda où se trouvaient les clés de la maison ? dans une vasque d’argent sur le plan de travail de la cuisine. Ils verrouillèrent la porte et lui tendirent la clé. Lorsqu’ils le roulèrent sur le brancard, le bercement cahoteux lui donna envie de dormir. Vous avez sommeil, vous aussi ? demanda-t-il. Personne ne répondit. »

Un roman pour ceux qui veulent se mettre à la diététique, à la méditation ou au yoga... ou pas!

Un roman pour ceux qui veulent changer de vie ou laisser la vie les changer.

Un roman pour les urbains en quête de sens... ou de cynisme.

02 janvier 2012

Du domaine des Murmures




On y arrive pas à pas, par la forêt, presque géographiquement, à ce château... en observant une carte, un territoire. Mais c'est bien dans l'histoire que nous sommes plongés, puisque le roman nous entraîne en 1187. Nous trouvons Esclarmonde au domaine, sur le point de se marier, mais qui va dire non et faire voeu de réclusion. Elle va être emmurée vivante dans une petite pièce attenante à la chapelle, avec seulement un espace de fenêtre à barreaux pour être nourrie. C'est alors qu'au lieu de se couper du monde, elle va devenir le centre des voyages des pèlerins, des récits des pêcheurs, et bien d'autres choses encore.

Curieux roman où le style ancien des "ribaudes" va de pair avec un regard moderne qui nous est comme adressé personnellement à nous les habitants du siècle 21. Etrange conte qui donne à voir la foi, la croyance, la religion, l'église, les prélats et les croisés tout en parlant de la vie, de sa fugacité et ses mystères, de ses fluctuations infimes ou fortes.

Un livre pour ceux qui aiment les romans historiques mais pas que... il y a du suspense, il y a des émotions, et de la modernité derrière cette vie de château.

Un texte qui donne un regard fort sur les femmes, le pouvoir, la domination, et les engagements.

Un livre qui montre que l'on peut voir le monde dans une goutte d'eau.

"Le monde en mon temps était poreux, pénétrable et merveilleux. Vous avez coupé les voix, réduit les fables à rien, niant ce qui vous échappait, oubliant la force des vieux récits. Vous avez étouffé la magie, le spirituel et la contemplation dans le vacarmes de vos villes et rares sont ceux qui, prenant le temps de tendre l'oreille, peuvent encore entendre le murmure des temps anciens ou le bruit du vent dans les branches. Mais n'imaginez pas que ce massacre de contes a chassé la peur! Non, vous tremblez toujours sans même savoir pourquoi."

Curieuse leçon que celle que nous livre cette narratrice recluse... Une forme de sérénité, de douleur et d'imaginaire légendaire jaillissent des pages et entrent en nous puissamment.

Carole Martinez a eu le prix Goncourt des lycéens 2011, et a été coup de coeur 2011 de la fête du livre de Saint Etienne. On comprend pourquoi! Il ne faut ni craindre le mysticisme, ni les longues descriptions moyenâgeuses. Tout est là mais d'un ton clair et digne.