30 septembre 2007

Petit génie vous invite à la physique des catastrophes

Très belle découverte de la rentrée: M. Pessl Special topics in calamity physics (ou en français: La physique des catastrophes).







"Dad always said a person must have a magnificent reason for writing out his or her life story and expecting anyone to read it. 'Unless your name is something along the lines of Mozart, Matisse, Churchill, Che Guevara or Bond - James Bond - you best spend your free time finger painting or playing shuffleboard, for no one, with the exception of your flabby armed mother with stiff hair and a mashed-potato way of looking at you, will want to hear the particulars of your pitiable existence.' (...) Given such parameters, I always assumed I would not have my magnificient reason until I was at least seventy, with liver spots, rheumatism, wit as quick as a carving knife, a squat stucco house in Avignon (where I could be found eating 365 cheeses), a lover twenty years my junior who worked in the fields and with any luck, a small triumph of science or philsophy to my name. And yet the decision (...) came much sooner that I ever imagined" et c'est tant mieux pour nous!!!!



Quel premier roman! Plein de créativité, de références, de sarcasmes (sur le fait d'avoir autant de références, notamment). Une héroine super attachante, Blue, qui suit son père de ville en ville, suite au décès de sa mère, afin que celui-ci puisse enseigner ses théories à toutes les mauvaises universités peu connues du fin fond des Etats-Unis. Un style percutant! Pessl excelle dans l'art de faire des analogies, de jouer des parallèles et des métaphores (ce qui fait qu'elle multiplie un peu les parenthèses, mais lisez-les attentivements, car elles abritent des perles!)

Donc, une vraie histoire qui emporte, une enigme policière, des personnages louches, mais aussi attendrissants, une jolie couverture, un beau titre, un roman d'éducation à la Harry Potter, qui suit le rythme scolaire d'un ado, une réflexion sur le rapport père fille... Bref, ça bouillonne!


Et une grande originalité dans la forme qui ne gâche rien: Pessl se moque du thésard, de l'universitaire qui inclut toujours une bibliographie, des références d'auteurs, qui s'appuie sur ses diapositives power point comme un viellard à sa canne, et puis, je ne devrais peut-être pas vous le dire mais le roman inclut même un examen final!!!!! SI SI!!!! Bon ne vous inquiétez pas, il est tout à fait faisable!!!


Enfin, j'ajouterais que ce roman donne envie de voir des vieux films, de lire des classiques, et d'écrire... alors ça vaut bien les quelques euros et les 670 pages, qu'on ne voit pas passer!

19 septembre 2007

Livre de chevet

Il est des livres qu'on ne lit pas d'une traite, mais qu'on aime à avoir à portée de main, pour en grignoter des bouts, tard le soir quand la nuit s'annonce. Le livre de l'intranquilité de Pessoa est de ceux là.

C'est un bijou, presque trop beau pour être vrai... pourtant on peut le porter au creux de soi tous les jours.


Finement simple et simplement tortueux, Pessoa nous embarque dans son aventure très impressioniste de comptable de l'existence, au milieur du néant, de la beauté et de la douleur. Ce journal intime nous conduit dans des réflexions métaphysiques au milieu de détails simples du quotidien.







Pessoa, un personnage à part entière. Né au Portugal, il a composé une oeuvre magistrale sous différents noms ou devrais-je dire "hétéronymes" pour faire plus littéraire! Du genre: Alberto Caeiro, Ricardo Reis, Alvaro de Campos, etc. Bernardo Soares est le nom sous lequel il a écrit le Livre de l'intranquilité. Il dira qu'il est l'hétéronyme dont il se sent le plus proche... Donc ce n'est pas tout à fait un journal. C'est le journal d'un partie de Pessoa... Ne sommes-nous pas tous multiple?


Difficile de vous en choisir un morceau, tant ils sont nombreux à être éblouissants...

En guise d'introduction, je vous copie donc cette lettre:


14 Mars 1916


"Je vous écris aujourd'hui, poussé par un besoin sentimental - un désir aigu et douloureux de vous parler. Comme on peut le déduire facilement, je n'ai rien à vous dire. seulement ceci - que je me trouve aujourd'hui au fond d'une dépression sans fond. L'absurdité de l'expression parlera pour moi.
Je suis dans un de ces jours où je n'ai jamais eu d'avenir. Il n'y a qu'un présent immobile, encerclé d'un mur d'angoisse. La rive d'en face du fleuve n'est jamais, puisqu'elle se trouve en face, la rive de ce côté-ci; c'est là toute la raison de mes souffrances. Il est des bateaux qui aborderont à bien des ports, mais aucun n'abordera à celui où la vie cesse de faire souffrir, et il n'est pas de quai où l'on puisse oublier. Tout cela s'est passé voici bien longtemps, mais ma tristesse est plus ancienne encore.
En ces jours de l'âme comme celui que je vis aujourd'hui, je sens avec toute la conscience de mon corps, combien je suis l'enfant douloureux malmené par la vie. On m'a mis dans un coin, d'où j'entends les autres jouer. Je sens dans mes mains le jouet cassé qu'on m'a donné, ironiquement, un jouet de fer blanc. Aujourd'hui 14 mars à 11H du soir, voilà toute la saveur, voilà toute la valeur de ma vie.
Dans le jardin que j'aperçois, par les fenêtres silencieuses de mon incarcération, on a lancé toutes les balançoires par dessus les branches, d'où elles pendent maintenant. Elles sont enroulées tout là haut. Ainsi l'idée d'une fuite imaginaire ne peut même pas s'aider des balançoires pour me faire passer le temps.
Tel est plus ou moins, mais sans style mon état d'âme en ce moment...."






11 septembre 2007

L'ombre de nos lectures

Que faisons-nous des livres que nous lisons? Nous hantent-ils? Changent-ils notre regard sur le monde? Nous font-ils juste passer un bon moment avant de s'évanouir dans l'air, ni vus, ni connus? Je pencherais plutôt vers l'idée d'une ombre, qui nous suit, que l'on ne remarque même plus, et qui pourtant est un reflet de nous toujours changeant. Quant à Carlos Louis Zafon, il répond à la question dans une saga ibérique, mi polar, mi roman historique sur les années de l'après-guerre à Barcelone: L'ombre du vent.








Un jour, un petit garçon est emmené par son père au cimetière des livres. C'est un lieu mystérieux, où l'on peut prendre un livre de son choix afin de le garder en vie. Mais cela doit rester un secret. C'est alors que ce livre sorti de l'oubli va changer la vie du jeune homme qui l'a choisi et le conduire sur un parcours initiatique, où il croisera l'amour, la peur, la mort, l'envie, le doute, l'amitié, etc. Quelle place donnera-t-il au livre? Sera-t-il en faire quelque chose de grand, de beau? Ou se trompe-t-il en se plongeant dans le fantastique du roman?

Derrière une saga, toute une réflexion sur la littérature...

Ce livre est à conseiller à tout ceux qui veulent découvrir des romans espagnols mais aussi aux amateurs d'histoires à suspense construites en poupées russes.

Et puis si vous ne le lisez pas, gardez tout de même cette idée en tête: Les livres ne sont rien sans nous. Ils dorment ou meurent sur des étagère. Mais si on les ouvre, qu'on leur donne une chance, ils peuvent tout.

05 septembre 2007

Une moitié...

Une moitié de lue... du dernier livre du prix nobel de littérature 2006 Ohran Pamuk: Istambul, souvenirs d'une ville. Et des petits cailloux dans la poche: ceux de l'enfance (marcher que sur les lignes ou que sur les cases, lire tout ce qui passe sous le nez pour le plaisir de déchiffrer les sons et de les voir se transformer en mots, rêver complètement et absolument) mais aussi des cailloux de formes inconnues, des petites pierres turques plus ou moins lourdes ou légères (compter les bateaux qui passent sur le Bosphore, regarder les bâtiments de l'empire ottoman tomber en ruines, être entièrement ébloui par le soleil quand on franchit la porte de la maison).



Quand on remue ces cailloux au fond de sa poche, un sentiment se dégage: celui de la mélancolie ("Hüzün" en version originale dans le texte). C'est un sentiment singulier, spécifique au lieu et à l'homme semble-t-il. Un sentiment qui peut être explique son devenir écrivain?



Par sa forme, ce livre me rappelle ceux de T. Terzani (voir rubrique "Témoignages"). En effet, Ohran Pamuk lui aussi joint au texte de magnifiques clichés en noir et blanc qui illustrent son récit. Ses photographies sont à la fois intimistes et archives d'une société qui s'effrite, à l'image des façades qu'on devinnent en arrière plan.

Un livre à ouvrir avant ou après un voyage en Turquie. Un livre à ouvrir pour les curieux de témoignages humains et géographiques. Un livre à ouvrir pour les collectionneurs de cailloux mélancoliques.